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Un projet cinématographique qui unit art et engagement
Entretien entre Mme Marie Lacoursière et Mme Marie-Pierre Gaudet enseignante au Cégep régional de Lanaudière à L’Assomption.
Cinq étudiants du Cégep régional de Lanaudière à L’Assomption (CRLA) se sont envolés vers la France le 15 avril dernier dans le cadre du projet Cinéma Québec-France. Inscrits dans les programmes Arts et lettres et Sciences humaines et participant à l’activité parascolaire Cinéma Québec-France en 2014-2015, ces étudiants ont travaillé durant l’année au projet intitulé Les Éveilleurs, une initiative conjointe des Rencontres buissonnières du Buisson de Cadouin en France et de M. Jacques Malaterre, cinéaste français reconnu.Le projet de type coopératif comportait plusieurs volets engageant de multiples façons les étudiants du CRLA, qui ont partagé l’expérience avec des étudiants de lycées et de collèges français. Subjugués par l’idée et le concept du projet, nous avons échangé avec Mme Marie-Pierre Gaudet, enseignante et instigatrice du projet.
Une belle réussite et une expérience enrichissante pour tous
« Le projet cinéma vécu chez-nous durant la dernière année fut une belle réussite et une expérience enrichissante pour tout le monde, » souligne Marie-Pierre Gaudet. « D’ailleurs, lorsque nous sommes allés présenter le documentaire réalisé par nos étudiants en France, Jacques Malaterre nous a dit qu’il ne voulait pas que cette présentation constitue la fin de notre collaboration, mais bien le début d’une collaboration à long terme qui se poursuivra dès l’automne prochain. Plusieurs professeurs se sont joints à cette première édition des Éveilleurs. Ce sont MM. Xavier Martel, enseignant en littérature, Davis Milot, enseignant en histoire, Hugues Brouillet, professeur de philosophie, et Joselle Baril, enseignante au programme Arts et lettres. Ils ont guidé de différentes façons les participants tout au long du parcours, et ce, jusqu’à l’étape finale : le montage du documentaire. Cette dernière a sollicité particulièrement la participation des collaborateurs, qui renouvelleront l’expérience en septembre prochain pour la deuxième version du projet, qui se limite pour l’instant à la réalisation d’un second documentaire, toujours à partir des épreuves de tournage que Jacques Malaterre produit pour la chaîne de télévision culturelle ARTE. »
Collaboration Malaterre Le Naour
L’événement est né d’une judicieuse collaboration entre MM. Jacques Malaterre et Jean-Yves Le Naour, historien français, tous deux intéressés à faire une série télévisée portant sur des personnages historiques ayant marqué le XXe siècle en Europe et ici au Québec. Jacques Malaterre s’est intéressé à divers personnages du Vieux Continent et a eu l’idée de proposer à certains étudiants de travailler à partir de ses épreuves de tournage dans le but d’éveiller leur esprit critique face aux informations qui proviennent des différents médias. Il voulait susciter une prise de conscience, à travers la production de documentaires, selon laquelle l’angle d’approche et le choix des informations retenues dans une œuvre reflètent la vérité de celui qui la produit, relativement au message qu’il souhaite communiquer, et sont influencés par d’autres sources culturelles ou générationnelles.
Marie-Pierre Gaudet a rencontré Jacques Malaterre en avril 2014, trois mois avant que ce dernier reçoive une réponse positive quant à l’acceptation de sa série par la chaîne ARTE. Ainsi, ce n’est qu’en juillet qu’il a su qu’il devait commencer le tournage et que la bonne nouvelle a été communiquée à l’enseignante du CRLA. « Il fallait rapidement déterminer quel personnage serait choisi parmi les 20 soumis, » précise Marie Pierre Gaudet. « Le temps filait et nous étions coincés, car les horaires des cégépiens sont construits chaque session, contrairement à ceux des étudiants français. Nous avons choisi René Dumont, agronome français qui a vécu une partie de sa vie ici, en Estrie, avec sa deuxième femme originaire du Québec. Pacifiste intégral, tiers-mondiste, écologiste et premier à s’être présenté à la présidentielle française de 1974, René Dumont rejoignait de nombreuses préoccupations québécoises. »
Faire des recherches dans les archives
Dans un premier temps, il a été demandé aux étudiants inscrits dans le nouveau profil Sciences humaines – innovation sociale, qui privilégie l’acquisition de connaissances par la pratique et l’expérience sur le terrain, de faire des recherches d’archives pour Jacques Malaterre. Ces recherches devaient lui fournir le matériel de tournage pour le reportage qu’il réaliserait. Dans le cadre d’un cours de sociologie, les étudiants ont réfléchi aux questions auxquelles pourraient répondre les gens interviewés à propos de René Dumont. Jacques Malaterre en a retenu plusieurs qu’il a posées en entrevue.« Nous avons reçu les premières recherches d’archives, que l’équipe de Malaterre avait faites en novembre, et le résultat des cinq heures d’entrevues réalisées en janvier auprès de différentes personnes ayant connu René Dumont. Il nous a donc fait parvenir les verbatims et les images des entrevues complétées, afin que les étudiants y puisent les contenus qui seraient retenus pour la création du scénario, puis intégrés au montage. Le travail s’est fait en collaboration avec M. Xavier Martel, professeur de littérature, pour la rédaction du scénario, et avec Joselle Baril, pour le montage. Cette dernière a fait appel au cinéaste Manuel Foglia pour l’assister dans cette tâche. »
Faire connaître René Dumont et son œuvre
Le travail a débuté dès l’automne 2014. « La démarche visait essentiellement à faire connaître René Dumont aux étudiants, » de poursuivre Joselle Baril. David Milot, professeur d’histoire, a lu toute sa biographie afin de présenter adéquatement le personnage aux étudiants, qui devaient bien le saisir. « En équipe, nous avons discuté du type de documentaire que nous voulions réaliser et de l’angle que nous voulions lui donner. »
Les participants provenaient de divers programmes (Arts et lettres, Sciences humaines, Techniques juridiques, Comptabilité de gestion). « Afin d’assurer les succès de l’entreprise, nous avons tenu des rencontres hebdomadaires de deux heures et avons dû utiliser des journées pédagogiques pour compléter l’exercice. D’autres se sont impliqués davantage, comme Alexandre Gagnon, qui en a fait son projet de fin d’études et qui est venu en France présenter le documentaire. L’exercice a engendré une grande somme de travail et d’investissement, principalement pour Mme Joselle Baril, qui était très présente auprès des participants. Une course à la montre a perduré jusqu’au 7 avril, soit une semaine avant notre départ pour la présentation du 17 avril en France. »
Une délégation affairée
Deux collèges et deux lycées français s’étaient également prêtés à l’exercice, dont le Lycée de Sarlat qui présentait plusieurs films de leurs étudiants de la concentration en cinéma. « Nous avons visionné une dizaine de films différents, tous réalisés à partir des mêmes épreuves de tournage de base. Nous avons de plus visionné celui de Jacques Malaterre et discuté de l’angle et des choix privilégiés dans le cadre de la production de nos documentaires respectifs. »
Des suites extrêmement riches et bénéfiques pour le CRLA
« Le personnage de René Dumont était stimulant pour le personnel et les étudiants de notre établissement sensibles aux réalités écologiques, » confirme Marie-Pierre Gaudet. M. Hugues Brouillet, professeur de philosophie, et Joselle Baril ont particulièrement bien animé le milieu autour des convictions et des ambitions de René Dumont dans le cadre de la première mouture d’un événement qui se veut maintenant annuel, la Semaine des éveilleurs. L’éveilleur de conscience 2014 était René Dumont. Dix-neuf professeurs de 10 départements ont participé à son organisation en acceptant de lever certains ou tous leurs cours afin d'utiliser ces périodes pour que des conférenciers de leur choix puissent venir s'adresser aux étudiants. Ces conférences ont porté par exemple sur les changements climatiques, les injustices sociales, alors que d’autres traitaient de René Dumont lui-même ou du contexte sociohistorique dans lequel il a évolué de 1904 à 2001, traversant ainsi tout le XXe siècle. »
Chez nos collègues français…
« En France, durant toute la durée du projet, Jacques Malaterre se rendait dans différentes écoles avec les membres de son équipe. Les étudiants qu’il y rencontrait avaient directement accès aux informations se rapportant aux différents métiers d’archiviste en fonction documentaire, de producteur, de preneur de son, de cameraman et de cinéaste. Pendant des séances de travail de deux heures, l’occasion leur était donnée d’aborder et de bien saisir les caractéristiques de ces fonctions de travail. Quelques-uns de nos étudiants en Arts et lettres, qui ont participé à la création de notre documentaire, ont d’ailleurs eu la chance de participer le 2 février dernier à une de ces journées thématiques en France. De plus, afin de donner la chance à plusieurs de profiter de cette initiative, certaines séances françaises ont pu être visionnées dans les classes du CRLA, » indique Marie-Pierre Gaudet. « Les membres de l’équipe documentaire étaient installés dans un cinéma en France et nous pouvions assister à l’événement via Skype dans nos laboratoires. »
« Nous sommes heureux de l’expérience », confirme Marie-Pierre Gaudet. « Le bilan de cette initiative est positif et porteur d’avenir. Voilà une rencontre humaine signifiante autour de découvertes et d’acquisitions disciplinaires, psychologiques, historiques et politiques. »