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Étude sur la pollution lumineuse
Un projet de recherche qui a impliqué des étudiants de trois ordres d’enseignement
Cet automne, une équipe de recherche coordonnée par des enseignants du Cégep de Sherbrooke a reçu le prix Acfas Collaboration interordre pour son étude sur la pollution lumineuse. Une recherche qui contribue à la compréhension des causes du cancer, tout en mobilisant des étudiants du cégep, de l’université et du secondaire.
Par Élise Prioleau, rédactrice

Martin Aubé, professeur de physique et Johanne Roby, professeure de chimie au cégep de Sherbrooke étudient depuis 2018 les effets de la pollution lumineuse sur la santé. Il s’agit du sujet de recherche phare du regroupement de chercheurs et d’étudiants mis sur pied en 2002 au Cégep de Sherbrooke. Un regroupement qui permet à des étudiants, issus principalement des programmes de sciences de la nature, d’informatique et de mathématiques, d’explorer le métier de chercheur à travers une étude à portée internationale.
Cet automne, au terme d’une collaboration avec Marie-Élise Parent, professeure en épidémiologie au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’INRS, les résultats préliminaires de l’étude démontrent un lien entre le cancer de la prostate et l’exposition à la pollution lumineuse nocturne.
Pour y arriver, l’équipe de recherche du Cégep de Sherbrooke a analysé la quantité de lumière présente autour de 4000 résidences de patients atteints du cancer de la prostate. Ils ont extrait des informations sur la propriété de la lumière nocturne en des lieux précis à l’aide de photos prises par le personnel de la Station spatiale internationale, ainsi qu’à partir de données récoltées autour des résidences des patients atteints du cancer de la prostate. « Dans cette étude-là, on tient compte de l’effet de distance de la lumière à proximité des résidences. Pour résumer, plus la résidence est proche de la source lumineuse, plus le locataire a de chances de développer un cancer agressif », résume le chercheur et professeur de physique Martin Aubé.
Dans le cadre de cette étude, les étudiants du cégep ont mentoré des élèves du secondaire afin de consigner des informations géographiques telles que hauteur des édifices et la distance entre les édifices, dans le but de cartographier les sources de lumières artificielles d’un quartier donné tout en tenant compte des obstacles à leur diffusion. De son côté, l’équipe universitaire en épidémiologie a étudié les liens entre la pollution lumineuse autour des résidences et la présence de cas de cancer de la prostate.
« On a fait intervenir des étudiant-e-s de maîtrise, doctorat et postdoctorat qui sont venus travailler avec nos étudiant-e-s du cégep. On s’est rendu compte que la transmission de connaissances se faisait aussi parfois des étudiants plus jeunes vers les plus âgés », relève Martin Aubé.

Ça fait plusieurs années qu’on travaille avec des étudiant-e-s du collégial dans le cadre de nos recherches. On a vu l’effet positif de cette expérience à long terme. On a vu plusieurs d’entre eux qui ont poursuivi en recherche par la suite aux niveaux doctoral et postdoctoral.
Martin Aubé, professeur de physique et chercheur au Cégep de Sherbrooke
L’impact de la participation à un projet de recherche sur le cheminement des étudiant-e-s
En plus de sa portée scientifique, l’étude comporte un volet pédagogique. Parallèlement à la réalisation du projet de recherche sur la pollution lumineuse, un deuxième projet supervisé par le professeur au Département de didactique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Pierre Chastenay, avait pour but d'analyser les effets de la participation à un projet de recherche scientifique chez les étudiants impliqués.
Comme le rapporte Le Devoir, les résultats préliminaires de cette étude montrent que « la participation à une recherche authentique a un effet positif sur l’identité scientifique des étudiants ».
« Ça fait plusieurs années qu’on travaille avec des étudiant-e-s du collégial dans le cadre de nos recherches. On a vu l’effet de cette expérience à long terme. Plusieurs d’entre eux ont poursuivi en recherche par la suite aux niveaux doctoral et postdoctoral », rapporte l’enseignant et chercheur Martin Aubé.
Après une vingtaine d’années de pratique scientifique en collaboration avec des étudiants du collégial, les professeurs Martin Aubé et Johanne Roby souhaitent continuer à documenter cet apport de la démarche scientifique sur la réussite scolaire et sur le choix de nombreux anciens étudiants d’opter pour une carrière scientifique.
« Dans le futur, nous aimerions aller chercher tous les anciens étudiants afin de déterminer l’impact réel de la participation à nos projets de recherche sur leur cheminement », ajoute Martin Aubé.

« Tout au long de l’année, les étudiants sont appelés à présenter l’avancement de leurs recherches, sous forme de discussions scientifiques avec leurs pairs. Les étudiants s’impliquent énormément. Ils en font souvent beaucoup plus que ce qu’on leur demande. »
Johanne Roby, professeure de chimie et chercheuse au cégep de Sherbrooke
Le regroupement de chercheurs et d’étudiant-e-s du Cégep de Sherbrooke
Autrefois offerte aux étudiants à travers un cours complémentaire d’initiation à la recherche sur un an et un projet de fin d’études, la participation au groupe de recherche est maintenant offerte sur une base parascolaire, avec la mention "cheminement recherche-études" au diplôme. Un parcours scientifique professionnalisant qui comprend notamment la participation des étudiants à des conférences, à des présentations et à des discussions scientifiques ainsi que du mentorat avec des chercheurs universitaires.
« Tout au long de l’année, les étudiants sont appelés à présenter l’avancement de leurs recherches, sous forme de discussions scientifiques avec leurs pairs. Les étudiants s’impliquent énormément. Ils en font souvent beaucoup plus que ce qu’on leur demande. Dans leurs pauses, ils vont revenir au laboratoire en petits groupes pour continuer à travailler sur leur projet de recherche », observe Johanne Roby, professeure de chimie et chercheuse au cégep de Sherbrooke.
Les étudiants participants sont impliqués pendant un an dans un des projets du laboratoire en fonction de leurs intérêts. Ils sont généralement placés en équipe de trois ou quatre étudiants, comme l'explique Martin Aubé. « Chaque équipe a un aspect du projet de recherche à faire avancer, ce qui fait qu’au bout de chaque année on fait un pas dans le projet global de recherche. Certains de nos anciens étudiants ont eu des résultats probants dans le cadre de leurs recherches et ont participé à des publications scientifiques. D’autres ont pris part à des conférences scientifiques internationales. »
« En 2015, nous avons participé avec six étudiants à une conférence de l’UNESCO au Mexique dans le cadre de l’Année internationale de la Lumière », ajoute Johanne Roby. Par la suite, en 2015, les enseignants ont collaboré à la création du congrès international sur la lumière artificielle la nuit. Une rencontre internationale qui depuis a lieu chaque année dans différentes villes du monde.



