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Des chercheurs québécois créent un outil qui mesure la distance entre les gens

Article publié par Ici.Radio-Canada - Nicholas De Rosa

17 avril 2020 - Depuis quelques jours, les gens faisant la queue devant des commerces du Plateau-Mont-Royal reçoivent la visite d'un camion équipé d'un écran géant qui leur montre la distance qu'ils entretiennent avec leurs camarades de file. Et plusieurs personnes se rendent compte qu'elles ne respectent pas la fameuse consigne des deux mètres malgré leurs bonnes intentions.

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C'est pour conscientiser les gens sur les bonnes pratiques de distanciation sociale que deux chercheurs du Cégep André-Laurendeau ont mis au point ce système de mesure de distances propulsé par deux caméras et l'intelligence artificielle. Ils veulent maintenant que les autorités publiques adoptent leur technologie, et disent que la Ville de Montréal démontre déjà de l'intérêt envers elle.

"On se rend compte, depuis qu'on a commencé, qu'environ deux personnes sur trois ne respectent pas la règle sans le savoir. Il n'y a pas toujours de ligne à terre pour leur dire où se placer, et les gens n'ont pas d'instrument de mesure avec eux", rapporte l'enseignant en technologie du génie physique David Beaulieu, l'un des deux instigateurs du projet, baptisé Dista.
Un camion devant un commerce qui montre aux gens en file sur le trottoir la distance qu'ils maintiennent entre eux.Agrandir l'image (Nouvelle fenêtre)

De la distanciation routière à la distanciation sociale

Le développement de Dista a débuté en décembre dernier, bien avant l'éclosion de la pandémie au Canada. La technologie servait initialement à mesurer la distance entre les vélos et les voitures sur la route pour conscientiser les gens sur la distance de dépassement.

"Le but était que les autorités locales installent ça dans un format un peu comme [celui des] radars de vitesse. Je voulais aussi impliquer mes étudiants pour leur apprendre le prototypage technologique par un projet concret qui aurait une utilité réelle. En "brainstormant" sur différentes idées, on a accroché sur celle-là", raconte David Beaulieu.

Le système de vision par ordinateur fonctionne avec deux caméras, ce qui permet d'évaluer des distances et la profondeur comme le font les yeux des êtres humains. L'intelligence artificielle était originalement utilisée pour reconnaître les cyclistes et les voitures, ses algorithmes d'apprentissage machine ayant été alimentés de milliers de photos de véhicules et de personnes en vélo.

"C'était simple de le changer pour mesurer la distanciation sociale. Le défi de détection de cyclistes est plus grand et plus complexe que celui de détection des êtres humains", explique l'enseignant en mathématique et partenaire de développement de Dista Christian Thériault, qui est également chercheur en intelligence artificielle et professeur associé à l'Université du Québec à Montréal.

Il a fallu deux semaines pour que les professeurs adaptent leur système de mesure de distances à la nouvelle réalité engendrée par la COVID-19. Cette transition a dû se faire loin des étudiants et étudiantes en raison de la fermeture des cégeps.

"Je les ai quand même gardés dans le loop en faisant une vidéoconférence sur toutes nos étapes de résolution de problèmes. Les étudiants étaient là et participaient à distance", dit David Beaulieu.
Système à perfectionner

Dista fonctionne bien, mais est encore loin d'être parfait. C'est normal, parce que le projet est encore en plein développement.

"Entre samedi et aujourd'hui, on a déjà apporté de bonnes améliorations. On n'avait, par exemple, pas pensé à inverser l'image affichée pour que les gens voient une réflexion d'eux-mêmes comme dans un miroir, donc on a rectifié ça", soutient David Beaulieu.
GIF animé qui montre comment fonctionne Dista. On voit des lignes mesurant le nombre de mètres entre les personnes. Agrandir l'image (Nouvelle fenêtre)

Dista est toujours en développement et a encore quelques bogues.

Les algorithmes d'intelligence artificielle qui propulsent Dista doivent aussi être perfectionnés. Le taux de détection se situe dans les alentours de 90 %, selon Christian Thériault. Des poteaux sont parfois vus par le système comme étant des êtres humains, par exemple.

Au-delà de l'adoption de la technologie par les autorités publiques, David Beaulieu et Christian Thériault souhaitent également développer une version de Dista qui sera utilisable dans les commerces.