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«Maisonneuve»: l’intégration et la lutte contre la radicalisation à hauteur de cégépiens
Jessica Nadeau - Le Devoir
« On était devenu un peu les rats de laboratoire de la radicalisation. Ç’a été moi et mes collègues qui ont dû porter le poids de sentir qu’on devait régler une situation qui, dès le départ, ne nous concernait pas. Parce que nous ne sommes pas partis en Syrie, nous n’avons pas rejoint le clan de Daech, et donc, nous étions juste en train de poursuivre notre cégep, parce que c’est une phase obligatoire. »
Dès les premières minutes de la série documentaire Maisonneuve, l’ex-étudiante Rayene Bouzitoun met la table. Elle n’était pas encore au cégep en 2015 lorsque les policiers ont arrêté, en l’espace de quelques mois, 11 étudiants du Collège de Maisonneuve qui tentaient de rejoindre le groupe armé État islamique en Syrie. Et pourtant, elle en a subi les conséquences. « Être une jeune Arabe musulmane qui étudie au Collège de Maisonneuve, c’était pratiquement un raccourci direct vers une représentation type de la radicalisation », explique-t-elle à la caméra.
Après ces événements, qui avaient secoué tout le Québec, une ambiance « de peur et de méfiance » régnait dans ce cégep dont la moitié des étudiants sont d’origine arabe et musulmane, raconte à son tour Momo, un sympathique travailleur de corridor embauché par le Collège de Maisonneuve pour permettre aux jeunes de s’exprimer et d’évacuer les tensions dans le cadre du projet pilote Vivre-ensemble.
Un tournage-recherche
« On ne s’intéressait pas tant que ça aux événements de 2015, ce n’était pas ça le point », explique le réalisateur Jean-Martin Gagnon en entrevue au Devoir. « C’était vraiment la réaction [qui nous intéressait], comment on réagit comme société d’accueil, comme institution. »
Pendant 80 jours, en 2017-2018, son équipe a filmé le quotidien des cégépiens. Le scénario s’écrivait au fur et à mesure que les jeunes prenaient la parole et que les tensions apparaissaient, explique le réalisateur. « C’était comme un tournage-recherche, finalement. On ne savait pas où on s’en allait. »
Il avait bien sûr une idée en tête. Et le résultat final ressemble en général à ce qu’il avait imaginé. « On le savait que ça allait être ça, la conclusion, qu’il n’y avait pas de “bureau de la radicalisation” au Collège de Maisonneuve. Que ce n’était pas un nid de radicalisation comme on nous le présentait dans les médias. »