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Se réduire l’avenir

Gabriel Pelletier

L’auteur est avocat. Il est président de la Fondation du Cégep André-Laurendeau

Les cégeps, leur personnel et leurs étudiants ont appris que Québec comptait imposer des compressions déguisées à hauteur de plus de 150 millions de dollars. Bien que la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, reconnaisse l’existence de ces compressions, elle a du même souffle affirmé qu’il revenait aux cégeps d’avaler la pilule et d’agir afin de permettre à l’État d’atteindre l’équilibre budgétaire. La réaction de l’ensemble des acteurs du réseau collégial a été unanime : la Fédération des cégeps, les directions d’établissement, les syndicats du personnel et les fédérations d’associations étudiantes dénoncent d’une même voix un choix politique qui aura des répercussions réelles sur l’offre de services aux cégépiens de l’ensemble du Québec.

Si chaque établissement a à faire des choix difficiles qui pourront varier d’une région à l’autre, on peut s’attendre à ce que les services aux étudiants soient touchés, parmi lesquels le soutien aux étudiants les plus vulnérables. C’est d’autant plus inquiétant que, selon les résultats d’une étude effectuée par les chercheurs François Régimbald et Éric Richard, quatre étudiants au collégial sur dix ont rencontré une forme ou une autre d’insécurité alimentaire. Seront aussi possiblement mis à mal les activités socioculturelles, les sports et l’ensemble des projets départementaux qui font partie intégrante de la vie collégiale et qui sont, pour nombre d’étudiants, le point d’attache qui leur permet de venir à bout de leur programme, faute duquel ils sont à risque de décrocher.

Ces compressions auront aussi une incidence sur les fondations des cégeps, qui bénéficient d’un investissement provincial censé les inciter à développer leur réseau philanthropique en faveur des établissements qu’elles représentent. Elles vont aussi miner leur capacité à maintenir des équipes compétentes et un nombre d’heures suffisant pour la réalisation de leur mission. Alors que le gouvernement laisse à l’abandon son réseau collégial et que certaines fondations tentent de pallier le manque à gagner en investissant plus dans les services directs aux étudiants, ces coupes ralentissent les établissements dans leur capacité à suppléer aux désengagements d’un gouvernement qui continue de se désinvestir de ses missions sociales.

La phrase peut sembler un cliché, mais les étudiants sont l’avenir de notre nation. Il est temps de voir l’éducation comme un investissement dans notre avenir collectif plutôt que comme une dépense qu’il faut comprimer. Le gouvernement doit revenir sur sa décision, qui s’explique difficilement, peu importent ses intentions de rigueur budgétaire. Nos cégeps, leurs équipes dévouées et les étudiants qui y bâtissent leurs rêves le méritent. Nous nous devons, comme société, de donner à ceux qui apprennent les moyens de leurs ambitions.

Un gouvernement qui fait des compressions en éducation se réduit l’avenir, et il devra en payer la facture d’une manière ou d’une autre. En se ménageant des économies qui, dans les faits, représentent une poignée de monnaie dans le budget de l’État, on s’hypothèque collectivement. Il n’est pas trop tard pour faire ce que doit.

Source: Le Devoir

26 mai 2025