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Centres collégiaux de transfert de technologie
Des coupes qui ont l’effet d’un « choc »
PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE
Près de deux mois après le dépôt du dernier budget provincial, les centres collégiaux de transfert de technologie ont appris qu’ils ne toucheront jamais aux 5 millions en financement que prévoyait leur verser le ministère de l’Économie.
Le Réseau des centres collégiaux de transfert de technologie, qui accompagne les entreprises dans leur développement, connaît les pires coupes de son histoire. Le ministère de l’Économie a retiré son financement prévu pour la prochaine année, a appris La Presse.
Moteurs d’innovation, les centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) accompagnent les entreprises et les organisations québécoises dans la réalisation de leurs projets.
Chaque année, ils aident à concevoir et à améliorer des centaines de produits dans une variété de domaines, allant de l’agriculture aux télécommunications, en passant par la métallurgie et le design industriel.
Le ministère de l’Économie prévoyait leur verser 5 millions de dollars en financement en 2025-2026.
Mais près de deux mois après le dépôt du dernier budget provincial, les centres technologiques ont appris qu’ils ne toucheront jamais à cet argent.
« C’est un choc », dénonce la présidente du conseil d’administration du Réseau des centres collégiaux de transfert de technologie, Nancy Déziel.
Selon Mme Déziel, cinq à six centres sont en péril. Et une quinzaine se retrouvent dans une position vulnérable.
Il s’agit de la coupe la plus importante à laquelle a à faire face l’organisation depuis sa création, il y a près de 30 ans.
Lorsqu’elle a rencontré les directeurs des centres, mardi, les réactions variaient entre « la colère, la déception et l’incrédulité ». « Les gens sont inquiets », affirme-t-elle.
Contacté par La Presse, le ministère de l’Économie reconnaît avoir été contraint de « faire des choix difficiles et de recentrer ses interventions ».
Il souligne que son financement représente « 2,5 % des revenus annuels des CCTT », et rappelle qu’ils seront toujours admissibles aux autres programmes du ministère.
Il continuera aussi de financer des initiatives en collaboration avec le réseau, affirme le relationniste Jean-Pierre D’Auteuil, par courriel.
Moteurs de l’innovation en région
Moins connus du grand public, les centres collégiaux de transfert de technologie sont pourtant d’importants joueurs dans le monde entrepreneurial.
Parmi leurs nombreux rôles, ils peuvent aider à la conception ou à l’amélioration de nouveaux produits et procédés, en plus de donner accès à de l’équipement de pointe.
Rattachés au réseau collégial, ils offrent également des occasions de stage et de formation pour les étudiants.
Dans la dernière année seulement, les centres technologiques ont aidé plus de 5600 entreprises et participé à plus de 13 000 projets. « On estime que les retombées sont de 1,7 à 1,8 milliard de dollars pour le Québec », affirme Nancy Déziel.
Dans le contexte actuel d’incertitude économique, elle s’explique mal la décision du ministère de l’Économie, alors que les entreprises « ont plus besoin d’aide que jamais ».
« Ça va nous obliger à supprimer une centaine d’emplois. Des centres sont à risque de fermer », déplore Mme Déziel.
Les entreprises risquent également d’être touchées. Mme Déziel estime que les centres technologiques pourront accompagner 1100 entreprises de moins au cours de la prochaine année.
Environ 15 % de leur budget de fonctionnement provient de financement public, ce qui leur permet, notamment, de payer les frais d’entretien de leurs infrastructures.
En plus du ministère de l’Économie, le ministère de l’Enseignement supérieur leur accorde annuellement 20 millions de dollars.
L’attaché de presse de la ministre Pascale Déry, Simon Savignac, a indiqué mardi qu’elle ne prévoyait pas revoir le montant de l’enveloppe, par exemple pour compenser les sommes perdues.
Un véhicule pour améliorer la productivité
Pour le directeur général du cégep de Victoriaville, Denis Deschamps, l’annonce de la coupe est un « coup dur ».
Trois centres technologiques sont rattachés à son établissement, offrant chacun une spécialité différente : ébénisterie, agriculture urbaine et agriculture biologique.
Pour eux, le financement du ministère de l’Économie représentait 3 % de leur budget de fonctionnement, affirme M. Deschamps.
Lui aussi s’explique mal cette décision du gouvernement, qui, pourtant, « parle fréquemment de l’amélioration de la productivité ».
« Les CCTT sont d’excellents véhicules pour l’amélioration de la productivité au Québec, fait-il valoir. Ce n’est pas une dépense, c’est un investissement. »
S’il est encore trop tôt pour dire quels seront les impacts sur les centres, il espère que les étudiants pourront continuer d’en profiter.
« C’est dans notre culture que les étudiants puissent travailler avec nos chercheurs », souligne M. Deschamps.
Après les compressions historiques annoncées plus tôt cette semaine, cette coupe est « un autre coup dur pour les cégeps », estime la présidente de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit.
Selon elle, le gouvernement met un frein sur la recherche appliquée « qui privera les entreprises d’un levier essentiel dans tous les secteurs d’activités, partout au Québec ». « On ne construit pas l’avenir en reculant sur l’innovation », plaide-t-elle.
Rectificatif
Un surtitre inclut dans une version précédente de ce texte donnait l’impression qu’il était question de compressions budgétaires dans les cégeps. Il s’agit plutôt des centres collégiaux de transfert de technologie. Nos excuses.
Exemples de contributions technologiques de CCTT, en partenariat avec des entreprises québécoises :
Développement d’un procédé plus vert pour extraire le lithium
Développement de peptides pour acheminer des traitements directement aux poumons
Développement d’un procédé pour transformer la fibre de bois en isolant thermique
Qu’est-ce que le réseau des CCTT ?
59 centres à travers le Québec
2400 chercheurs
70 % de la clientèle composée d’entreprises