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Ode à la vie adulte et à ses espoirs

Atanas Atanassov

L’auteur est étudiant au collège Jean-de-Brébeuf, en sciences de la santé.

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir

Bientôt, ce sera nous, chers jeunes, qui porterons le lourd fardeau du changement. Espérons juste que, cette fois, il y aura quelqu'un pour nous écouter, écrit l'auteur.

Je suis né dans un monde où, chaque quelques mois, un nouveau point de non-retour est atteint. Un monde qui, au dire des grands experts qualifiés, s’enligne immanquablement vers une catastrophe généralisée.

Les adultes nous ont cependant rassurés dès notre jeune âge. Armés de nos bacs de recyclage, de nos sacs de compost et de nos pailles en papier du McDonald’s, nous renverserions cette tendance ! Consigner quotidiennement, se promener à vélo et aller à la marche annuelle pour le climat et le tour serait joué ! Les jeunes auraient sauvé le monde !

Cependant, quand je m’assois sur le petit banc gris de ma rue pour attendre l’autobus, je me demande si nous sommes vraiment sur la bonne voie. Je n’arrive pas à croire que ce sont mon sac de plastique à 10 cents et mes pantalons achetés en friperie qui vont changer la donne, quand 100 entreprises sont responsables de 70 % des émissions de carbone, quand le gouvernement fédéral finance un pipeline triplant la capacité de transport d’énergies fossiles canadiennes, et quand l’adolescent moyen considère qu’un « like » sur Instagram constitue une contribution suffisante pour soutenir les familles à la suite des feux ayant ravagé Hawaï.

Sur mon petit banc gris, entre deux fumeurs, je me dis que malgré ce que les adultes veulent bien nous faire croire, malgré toute la bonne volonté, à la fin de la journée, c’est l’argent qui compte. Le changement se trouve près des poches pleines. Si nous voulons renverser la donne, il faut rendre l’écoresponsabilité profitable, innover les marchés pour découvrir des procédés de traitement des déchets fossiles qui génèrent des profits et rendre l’énergie renouvelable abordable. Les multinationales sont là pour faire du profit, nous le leur donnerons !

Cependant, quand je regarde les lampadaires défiler au travers du petit hublot de l’autobus, je me questionne sur la force d’identité de la jeunesse actuelle. Avons-nous la trempe pour relever le défi de ces changements ? Dans un monde où les garçons déboussolés croient se reconnaître au travers de caricatures misogynes, où les enfants semblent ne plus valoriser l’éducation, et où notre jeunesse est exposée quotidiennement à des généralisations abusives qui polarisent et qui décrédibilisent les différents courants politiques, j’ai parfois de la difficulté à m’imaginer comment un semblant de société équilibrée verra le jour dans les années à venir.

Malgré tout, étant un jeune adulte, je joue tout de même le jeu. J’entame ma troisième session au cégep, je travaille à temps partiel en recherche à l’hôpital, je fais partie de l’équipe du Québec de crosse et je suis chef de camp de jour. Souvent, s’occuper aide beaucoup lorsqu’on ne veut pas trop penser. Chaque matin, je me lève sans trop me soucier, comme si ne pas y penser effacerait les changements climatiques, comme si ne pas y penser guérirait les symptômes d’une société malade.

En vérité, je le sais bien que mon mode de vie n’est pas soutenable. Je le sais bien que le gouvernement devrait avoir d’autres priorités à son programme politique que de se planifier une augmentation salariale, comme investir dans un système d’éducation dans lequel 50 % des infrastructures sont en état de vétusté. Je le sais bien que je devrais avoir d’autres soucis que de ne pas arriver en retard au travail. Cependant, j’ai l’impression que devenir adulte signifie aussi faire semblant de ne pas voir les situations critiques, et n’accorder de l’importance qu’à soi-même et à son micro-environnement. En tout cas, si c’est vraiment comme ça, je vous dirais que je suis déjà un très bon adulte.

Je ne sais pas si j’ai encore espoir. Peut-être que je me sens coupable de ne pas faire plus pour changer le monde. Peut-être que je me sens coupable de ne pas vouloir jouer le jeu. Peut-être suis-je dans le déni. Peut-être ai-je espoir que les adultes sauront encore une fois nous rassurer, ou peut-être suis-je tout simplement tanné d’entendre en boucle des slogans verts de multinationales hypocrites.

En mai dernier, Jane Goodall, la célèbre primatologue britannique, s’est exclamée, devant un public montréalais captivé : « […] Sans espoir, nous abandonnons. Surtout, si les enfants abandonnent, alors c’est la fin. » À vrai dire, c’est ce qui m’a inspiré à écrire. L’espoir, bien que souvent irrationnel, mérite tout de même une dernière chance. Selon moi, la première étape à la résolution de ces problèmes est d’arrêter de faire la sourde oreille aux grands experts et à ce qui nous plaît moins, et d’assumer la taille des défis qui nous sont proposés. Après ui sait ? Peut-être saurons-nous trouver, dans un quelconque recoin de notre coeur, encore un peu d’espoir fou.

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2 octobre 2023