Articles

Bureau des étudiants-es de première année (BÉPA) du Collège Ahuntsic

Pour intervenir ICI et MAINTENANT

Prendre la balle au bond. Un sport que pratiquent quotidiennement les intervenantes du Bureau des étudiant.e.s de première année, le BÉPA, du Collège Ahuntsic. Marylène Paul, technicienne en éducation spécialisée et Mélanie Rouleau, orthopédagogue, font du direct pour accompagner des collégiens qui vivent à l’ère de l’instantanéité.

Thérèse Lafleur, Portail du réseau collégial

Cette manière d’intervenir « séance tenante » est une première dans un cégep francophone. Ce carrefour giratoire des ressources est accessible cinq jours par semaine, du matin au soir. Les étudiants partenaires assurent la continuité lors des pauses, les intervenantes n’étant jamais bien loin.

Dans la foulée de la reprise postpandémique en 2019, la question s’est posée : comment accueillir les étudiants après cette longue période de formation à ligne ? Plusieurs enjeux étaient à considérer : perte d’apprentissage générée par une formation à distance organisée dans l’urgence, inégalités socioéconomiques exacerbées pour certains groupes, anxiété provoquée par la crise sanitaire, moyenne générale au secondaire (MGS) de la clientèle.

Lieu de socialisation par excellence, le BÉPA offre un espace sécuritaire. Une zone où l’étudiant est accueilli sans jugement et sans regard critique.

Le BÉPA privilégie une approche sociale de la réussite. Dans une perspective d’accueil, de soutien et de réussite scolaire, il fait office de catalyseur pour amorcer la création de liens.

Vox pop : le BEPA (5’43’’)

La directrice des Affaires étudiantes, Line Coulombe, s’est inspirée de la pratique reconnue du First-Year Student’s Office du Collège Dawson pour développer le BÉPA, une formule d’accueil en temps réel. Pour elle, pas question de s’en tenir à un processus d’intervention imposant un délai de deux semaines alors que le problème est oublié ou a dégénéré. Judicieusement positionné au cœur de l’agora et voisin de la cafétéria et de l’Association étudiante, l’espace occupé par le BÉPA est invitant. D’ailleurs, il rassemble les étudiants justement parce qu’il leur ressemble.

« Nous avons un volet psychosocial, mais notre préoccupation est vraiment pédagogique », explique Mme Coulombe. « C’est pourquoi une orthopédagogue et une technicienne en éducation spécialisée font équipe. Nous voulons, non seulement accueillir et accompagner les étudiants, mais aussi les outiller pour qu’ils apprennent à apprendre. Bref, les aider à s’approprier leur métier d’étudiant. Au premier abord, le mandat du BÉPA semble aller dans toutes les directions. Et c’est légitime de se demander si c’est possible de tout faire ce qui est prévu. Mais les deux intervenantes ont non seulement rencontré les attentes, elles ont même poussé plus loin l’expérience. Elles sont tellement connectées sur le direct de l’étudiant que nous ajustons constamment les services offerts. De plus, le BÉPA nous donne le pouls de ce qui se passe dans le Collège. C’est l’endroit idéal pour savoir comment se sentent les étudiants. »

Par exemple, les intervenantes ont constaté que les étudiants plus démunis vivaient beaucoup d’insécurité alimentaire. Pour pallier cela, de petites collations sont toujours disponibles au BÉPA. Et cela peut aller jusqu’à offrir des cartes repas à la cafétéria ou des bons d’achat à la coop pour aider les étudiants. En fin de session, le BÉPA propose même En examen le ventre plein et offre le petit déjeuner entre 7 h 15 et 8 h à tous les étudiants.

Mélanie Rouleau, précise : « Bien que l’axe d’intervention priorise les étudiants de première année, un étudiant de deuxième ou de troisième année va pouvoir manger ou avoir de l’aide s’il en a besoin. Au BÉPA, le service est offert à tous. Tout en faisant connaître les services et les politiques du Collège, nous dirigeons les étudiants vers les bonnes personnes. Principalement, nous les aidons à structurer leur parcours au collégial. »

Le BÉPA peut aussi se caractériser par ce qu’il n’est pas. Ce n’est pas un centre d’aide qui offre du soutien ciblé sur une période donnée. Ce n’est pas un carrefour psychosocial où il faut prendre rendez-vous non plus. Au BÉPA, si un étudiant se présente un mardi matin à 10 h, une intervenante va prendre son problème en charge sur le champ. Un étudiant en crise à la suite d’un échec verra la technicienne en éducation spécialisée immédiatement recadrer la situation avec lui. Elle veillera à ce qu’il décante tout en lui donnant des outils pour avancer. Pour 75 % des étudiants qui repartent du BÉPA, le problème est réglé ou du moins désamorcé. Les difficultés sont identifiées à la base. Le 25 % des étudiants qui arrivent avec un plus lourd bagage ne sont toutefois pas laissé à eux-mêmes. L’intervenante assure elle-même la prise en charge par le service adéquat. Elle ne confie pas l’étudiant, elle l’accompagne vers cette ressource.

En plus d’agir directement pour répondre aux besoins des étudiants, le BÉPA offre des ateliers en classe ou en ligne. Ces formations s’adressent aussi aux enseignants pour qu’ils puissent les relayer dans leurs classes.

Après avoir accueilli 1000 étudiants dès sa première session à l’automne 2021, 2000 jeunes s’y sont présentés à la deuxième. C’est significatif 3000 interventions en seulement une année. Des chiffres qui sont toujours en croissance. À chaque visite des données sont récoltées pour savoir si le BÉPA répond adéquatement. L’ensemble des étudiants est aussi consulté une fois par session via Omnivox. En moyenne 3675 étudiants, dans un collège qui en compte 10 000, répondent à chaque sondage. Des sondages ponctuels servent à faire connaître le BÉPA et à bonifier ses interventions.

Tisser des liens

Marylène Paul donne l’exemple de garçons qui se présentent avec un besoin et quittent ensuite. Les chiffres ont révélé qu’une fois qu’ils connaissaient le BÉPA, ces garçons revenaient. Parfois seulement pour s’y déposer et souvent en faisant du BÉPA leur point de rencontre.

« Le bouche-à-oreille fait en sorte que certains viennent au BÉPA parce qu’ils s’y sentent en sécurité. D’autres pour un soutien pédagogique ou émotionnel ou encore pour la transition secondaire-collégial. Il y a aussi ceux qui reprennent leurs études et sont désorientés. Sans oublier les étudiants qui n’ont pas de réseau social, ceux venant de l’extérieur en particulier. Et dans l’effervescence de ce petit bureau à aire ouverte, des liens se tissent. Les étudiants sont toujours consultés et sont parties prenantes de nos activités. Leur point de vue est déterminant pour le BÉPA qui s’ajuste en conséquence pour rester dans le moment présent. Même les enseignants et le personnel sont interpelés par le BÉPA qui organise des pauses-café ou des midis rencontre-éclair propices aux interactions spontanées pour socialiser ou s’informer. Nous voulons vraiment tisser des liens, que le BÉPA soit intégré partout au Collège. »

Le BÉPA est un bureau « par » et « pour » les étudiants qui brille par son accessibilité. En fait le BÉPA rayonne dans toutes les activités du Collège grâce aux étudiants partenaires, aux étudiants ambassadeurs et aux étudiants clients. L’Association étudiante en est aussi une formidable ambassadrice. Elle témoigne de l’importance accordée aux besoins des étudiants par le BÉPA tant devant le conseil d’administration qu’à la Commission des études.

Cette dynamique ouverte aux multiples besoins des étudiants, ici et maintenant, est porteuse. Devant tous les choix qui se présentent à eux, le BÉPA veille à ce que les étudiants se sentent soutenus plutôt que submergés. Grâce aux deux intervenantes clés et au soutien de la communauté collégiale, le BÉPA accomplit sa mission d’installer l’étudiant dans son métier d’étudiant. Des interventions qui visent la réussite par la prise en charge de son parcours par l’étudiant lui-même comme inscrit au Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur 2021-2026.