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Mentorat étudiant en recherche scientifique

Au suivant !

Passer de la théorie à l’action, c’est la voie qu’ont empruntée les créateurs d’InitiaSciences. Ces étudiants chercheurs universitaires proposent aux jeunes du secondaire et du collégial d’être parties prenantes d’une recherche en cours. Au-delà de l’observation de la démarche scientifique, ils y contribuent activement. Une formule inédite de sensibilisation à la science qui suscite un grand intérêt et bénéficie d’un large appui.

Thérèse Lafleur, Portail du réseau collégial

L’expérience a pris forme à l’initiative de Caroline Piaulet, étudiante au doctorat en astrophysique à l’Université de Montréal et présidente d’InitiaSciences. Pour la petite histoire, c’est en 2018 que Mme Piaulet a découvert la formule. Un programme permet à des jeunes issus de milieux défavorisés de participer à des projets de recherche en étant mentorés par des étudiants au doctorat. L’approche a été développée par la chercheuse postdoctorale en astrophysique Clara Soussa-Silva. Mme Soussa-Silva l’a déployée d’abord au Royaume-Uni, ensuite aux États-Unis, à l’Université Harvard et à l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT).

Cette rencontre avec Mme Soussa-Silva s’est avérée déterminante pour Caroline Piaulet. « Comme j’étais déjà impliquée en communication scientifique et en action communautaire pour motiver plus de personnes à étudier en science, j’ai été emballée par son projet. C’était un nouveau modèle dans l’écosystème de ce qui est offert aux jeunes Québécois. Au-delà d’une visite des laboratoires, des jeunes pouvaient intégrer un processus de recherche, présenter des résultats ou contribuer à un article scientifique. »

Mais pour passer de la théorie à l’action, il a quand même fallu du temps à Mme Piaulet. « Lors du ComSciCon 2021, j’ai lancé l’invitation aux étudiants gradués intéressés par la communication scientifique à développer le concept ici. »

Au programme

Quatre étudiants chercheurs se sont joints à elle. De juin à octobre 2021, InitiaSciences, un organisme sans but lucratif (OSBL), a pris forme et amorcé ses activités. D’abord en établissant des partenariats et en travaillant en concertation avec des étudiants chercheurs universitaires pour recruter des mentors. « Il fallait s’assurer que la formule soit réalisable pour les mentors. Parallèlement, plusieurs spécialistes en enseignement ont été consultés pour structurer les activités selon les niveaux des mentorés, secondaire ou collégial. Dès janvier 2021, une fois les vérifications d’usage complétées, les mentors recrutés ont bénéficié de formations pour encadrer leurs futurs participants. »

 

À l’automne 2022, le projet a été lancé. Cette première cohorte fait office de pilote dans cinq recherches. Elle est financée par le programme NovaScience du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE). « Pour cette première expérience, nous avons recruté en priorité des jeunes provenant de milieux défavorisés de Montréal. Des étudiants qui n’avaient pas forcément de modèles de scientifiques autour d’eux ou encore de personnes fréquentant l’université », précise Mme Piaulet.

« Cette année nous intégrons la recherche au collégial donc au mentorat fait par des étudiants gradués qui peuvent être dans un CCTT. » Caroline Piaulet

Après plusieurs présentations de ce projet à la rentrée scolaire, l’engouement suscité a dépassé les attentes. « Alors que notre objectif était de recruter une quinzaine de mentorés, nous avons reçu 179 candidatures ! C’était encourageant de voir tant de jeunes qui acceptent de travailler sur leur projet quatre heures par semaine durant toute l’année scolaire. Nous sommes maintenant en mars et cela se passe toujours bien. Les personnes recrutées ont reçu des formations à la recherche afin qu’ils puissent s’arrimer à la démarche des différents chercheurs. Nous donnons maintenant ces ateliers dans les cégeps et les écoles secondaires, des ateliers qui gagnent d’ailleurs en popularité. »

Une fois les mentors et les mentorés recrutés et formés, les projets se mettent en branle. « L’idée est que les mentorés contribuent à une partie de la recherche de leur mentor. Ça explique tout le travail de préparation fait en amont avec les mentors pour identifier avec eux les tâches formatrices pour des mentorés de différents niveaux. Un transfert de connaissances qui nécessite du temps, mais pour lequel les mentors sont rémunérés. InitiaSciences offre aussi des bourses de solidarité aux jeunes mentorés dont le temps consacré au projet peut s’avérer un enjeu financier. Douze jeunes en bénéficient actuellement dans l’espoir qu’ils préfèrent faire de la recherche scientifique à travailler quatre heures par semaine dans un resto. De plus, tant les mentors que les mentorés profitent de l’accompagnement personnalisé de l’équipe d’InitiaSciences pour mener à bien le projet. »

En juin 2023, un symposium de fin d’année permettra aux mentorés de présenter leurs travaux dans le cadre d’InitiaSciences. Cet événement est attendu avec impatience par Caroline Piaulet : il permettra, selon elle, d’estimer si l’expérience est non seulement intéressante, mais si elle s’avère déterminante pour la suite du parcours scolaire. « Ces présentations lors du symposium représentent aussi un bon outil pour que les mentorés deviennent des ambassadeurs auprès de leurs pairs. Dans notre mission, c’est important de démystifier qu’avec les compétences enseignées, c’est possible qu’un jeune du secondaire ou du collégial puisse participer activement à des projets de recherche universitaire. »

Pour arrimer le projet InitiaSciences au parcours collégial, différentes approches sont envisageables comme celle d’un stage en entreprise subventionné. Idéalement, la participation au programme pourrait être créditée comme un projet d’intégration de fin d’études.

La cohorte 2023-2024 est en préparation. Cette deuxième édition s’étendra à tout le Québec. Déjà des étudiants chercheurs à la maîtrise ou au doctorat de plusieurs régions ont signifié leur intérêt à être mentors. Une proximité générationnelle avec les jeunes du secondaire ou du collégial que privilégie InitiaSciences. Mme Piaulet ajoute que « Les mentors doivent être des étudiants gradués. La première cohorte était composée d’étudiants gradués à l’université. Cette année nous intégrons la recherche au collégial donc au mentorat fait par des étudiants gradués qui peuvent être dans un Centre collégial de transfert technologique (CCTT). Nous voulons rendre la recherche accessible, qu’elle ait un sens pour les jeunes et qu’ils constatent qu’ils peuvent faire de la recherche. D’ailleurs, l’aspect appliqué et concret de la recherche au collégial est une bonne porte d’entrée pour aiguiller vers le cycle supérieur. »

Pour arrimer le projet InitiaSciences au parcours collégial, différentes approches sont envisageables comme celle d’un stage en entreprise subventionné. Idéalement, la participation au programme pourrait être créditée comme un projet d’intégration de fin d’études.

InitiaSciences propose une démarche originale d’expérimentation de la recherche scientifique. En 2022-2023, 16 mentorés — dont 15 filles — ont intégré les équipes de cinq mentors. Cette initiative est orientante pour les jeunes mentorés et formatrice pour les mentors. Elle est aussi une formidable expérience pour les organisateurs bénévoles qui la rendent possible. Et, c’est tout à leur honneur, l’équipe d’InitiaSciences a remporté le volet régional du Défi OSEntreprendre Montréal dans la catégorie Universitaire.

Mentor et mentorée

Une mentorée, Danika Belzile, partage son enthousiasme. « J’ai été informée d’InitiaSciences par une publication sur la plateforme Omnivox de mon cégep, Dawson College. Je suis passionnée de sciences et j’ai sauté sur cette incroyable opportunité ! Je connaissais déjà le système TRAPPIST-1 et je rêvais de faire partie de l’équipe qui allait les étudier avec le télescope spatial James Webb. Et me voilà, à seulement 18 ans, en train de réaliser ce rêve et de contribuer à la recherche scientifique sur ces exoplanètes. De plus, avoir Caroline Piaulet comme mentore est vraiment inspirant. Elle est un excellent exemple de scientifique auquel je peux m’identifier. Avant InitiaSciences, j’étais inquiète de ne pas avoir les compétences nécessaires pour devenir astrophysicienne. Maintenant, je suis convaincue que j’ai tout ce qu’il faut. Je me sens plus motivée à étudier en sciences parce que je vois l’application des connaissances que j’apprends. Participer à InitiaSciences donne un plus grand sens à mes études. » 

Un mentor, Christian Thibeault, étudiant au doctorat en astrophysique de l’Université de Montréal spécialisé en physique solaire, constate aussi les gains de cette expérience. « InitiaSciences est bénéfique pour les mentorés et pour les mentors également. Les jeunes collégiens apprennent rapidement dans une immersion de recherche scientifique. Cela demande beaucoup de concentration et d’efforts de leur part, mais je vois déjà une grande amélioration dans leur autonomie et leur confiance. Je pense que c’est une excellente façon pour eux de savoir si la recherche scientifique est un domaine qui les intéresse. Pour ma part, j’ai appris à bien organiser un projet de recherche pour le rendre accessible à des gens à l’extérieur du domaine. Cela m’a permis de développer davantage mes capacités de gestion de projet et même ma compréhension de mon domaine de recherche. Nous apprenons beaucoup en expliquant à d’autres ! »