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Sur les traces d’Antoni Gaudí
Par Marie Lacoursière et Alain Lallier
En mars dernier, Jérémie Gaudreault a remporté le Premier prix Hydro-Québec de l’Expo-Sciences régionale Québec–Chaudière-Appalaches. Étudiant en Sciences, lettres et arts au Cégep de Sainte-Foy, le gagnant a conçu un logiciel de calcul pour améliorer la fabrication de pièces par soustraction de matière. Un cheminement étudiant hors de l’ordinaire qui mérite d’être raconté.
Comment régler le problème des variations dans la fabrication de pièces très sophistiquées ?
Le projet de Jérémie Gaudreault s’inscrit dans le domaine de la fabrication de pièces avec des machines-outils qui permettent d’usiner des pièces pour moteurs d’avion, des valves d’appareils médicaux ou d’appareils de haute précision. Jérémie explique qu’il s’agit en fait de machines CNC, « de très grosses machines à l’intérieur desquelles un morceau de métal est inséré. Des outils viendront automatiquement sculpter le morceau de métal pour produire la pièce désirée. Ces machines sont automatisées, ce qui permet de sculpter la pièce avec une grande précision. Nous pourrions fabriquer une pièce de 50 millimètres avec plus ou moins le diamètre d’une cellule. Une précision extrêmement grande. Même si ces machines sont très sophistiquées, on rencontre des variations aux pièces de moteurs d’avion qui deviennent névralgiques. Une fraction de cheveu devient problématique pour des pièces aussi précises. »
Jérémie vérifiant la conformité des mesures prises sur les pièces fabriquées.
Un algorithme mathématique pour corriger le tir
Pour corriger ces variations, Jérémie a développé un algorithme mathématique, rien de moins. Une fois la pièce usinée, les dimensions sont mesurées et les erreurs dépistées. « Mon système effectue des corrections et des ajustements dans le logiciel de la machine pour corriger le tir. C’est la compagnie québécoise APN inc, spécialisée dans ce type de fabrication, qui a accepté de tester mon système. Les résultats des tests ont montré qu’il permet de réduire les erreurs de l’ordre de 34 %, ce qui représente une amélioration significative en matière de qualité. L’entreprise était tellement satisfaite qu’ils ont décidé de l’adopter dans leur usine. Nous parlons ici de machines de centaines de milliers de dollars. »
Jérémie inspecte la surface d’une pièce au microscope
Maîtrise de l’algèbre linéaire dès la 4e secondaire
Qui dit algorithme dit mathématique. Mais, rappelons que Jérémie est en première année collégiale. Il est intéressant de préciser que la partie principale de son projet a été développée à la fin de sa 4e secondaire. Ce dernier commandait la maîtrise de connaissances mathématiques qui dépassaient son niveau à savoir: l’algèbre linéaire, l’utilisation de matrices et l’optimisation mathématique. « Durant ma session d’examens de secondaire 4, j’ai étudié les vieux manuels de cégep de mes parents pour apprendre l’algèbre linéaire », raconte-t-il tout simplement…
Des parents férus des Expos-Sciences
Jérémie s’amuse souvent à raconter que ses parents se sont rencontrés à l’Expo-Sciences quand ils avaient 17 ans. Ils ont d’ailleurs souvent participé à cet évènement. « Dans ma famille, c’est une compétition vraiment importante. Ce n’est pas ma première participation. Mes parents m’ont toujours supporté dans mes projets. »Soulignons que son père est professeur d’informatique à l’Université Laval; et sa mère, professionnelle de recherche en microbiologie. Le fruit n’est vraiment pas tombé loin de l’arbre…
Le cours de cégep le plus utile : une surprise
À entendre Jérémie parler de son projet, on s’attend à ce qu’il nous parle de ses cours en Techniques de la mécanique ou en Informatique. Eh bien non. Il étudie en Sciences, lettres et arts. En quoi ses cours au cégep l’ont-ils aidé ? Il précise que son projet a été réalisé principalement au secondaire. « Je devais présenter mon projet en secondaire 5. Malheureusement, à cause de la pandémie, l’Expo-Sciences de l’an dernier a été annulée. Ce qui a reporté ma présentation à cette année. »
Quels sont les cours qui l’ont le plus aidé au cégep ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont ses cours de français. « J’avais un bon projet, mais encore faut-il bien le présenter. Pour parfaire ma présentation cette année,le cours de ma prof de français m’a été le plus utile car, pour gagner le premier prix, la présentation est quasi aussi importante que le projet lui-même. Ce n’est pas uniquement une compétition des sciences,mais également un concours de vulgarisation. »
Intéressé par tout
Être inscrit dans le programme Sciences, lettres et arts, c’est être exposé à une variété de matières : philosophie, sciences humaines, histoire de l’art, etc. Interrogé à savoir vers quelle discipline son cœur balance, il répond : « J’ai toujours été capté par de nombreux champs d’intérêts qui vont dans toutes les directions. C’est pour ça que j’ai choisi ce programme. Les cours sont très diversifiés. J’aime autant les cours de sciences que les cours de sciences humaines, de littérature et d’arts. C’est un programme pour les indécis, dit-il en riant, pour ceux qui ont des intérêts variés, qui aiment tellement de choses qu’ils hésitent à choisir un domaine en particulier. »
Un intérêt marqué pour l’architecture
Jérémie confie être passionné par l’architecture depuis l’âge de quatre ans « En fait, ma grand-mère est allée en Espagne et elle m’a rapporté un livre pour enfants qui parlait de l’architecte espagnol Antoni Gaudí. Ce livre a déclenché chez moi un vif intérêt pour l’architecture. Comme j’ai plusieurs intérêts, mes projets d’Expo-Sciences sont toujours un mélange de programmation, de mathématique et d’architecture. Pour mon premier projet d’Expo-Sciences en secondaire 2, j’avais programmé un logiciel d’architecture qui utilisait un algorithme mathématique pour générer des colonnes de formes organiques inspirées de celles d’Antoni Gaudí. » Comme disait Corneille : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. »
Jérémie vérifiant les réglages de la machine CNC
52 heures en usine à expérimenter son projet
Revenons au projet lui-même. Jérémie a pu participer en usine à toutes les démarches de l’expérimentation de son logiciel. Durant la première phase des tests, il était près de la machine. Des tests qui ont duré 52 heures, répartis sur 4 jours. « Je faisais les quarts de jour, de soir et de nuit pour m’assurer que tout fonctionne bien. En fait, le projet est né durant un stage à cette compagnie. J’ai fait des projets d’Expo-Sciences qui utilisaient des impressions 3D. Or, cette entreprise utilise cette technologie pour fabriquer des prototypes de pièces. C’est dans le cadre de ce stage que j’ai été amené à m’intéresser aux problèmes de fabrication qu’ils rencontraient. Quand je leur ai proposé ma solution, ils étaient passablement sceptiques, parce que ce problème est largement répandu. J’ai eu cette chance de travailler sur place. »
Et son choix de programme pour l’avenir ?
Quel programme va-t-il choisir à l’université ? « J’ai toujours eu en tête que j’allais opter pour l’architecture, répond-il. Moi, ça me briserait le cœur de laisser tomber les domaines qui m’intéressent. Je profite encore du collégial pour en apprendre dans d’autres domaines qui sont complètement différents. J’ai l’impression que ma première et ma deuxième session ont simplement confirmé mon intérêt. Par exemple dans mon cours d’histoire de l’art, dès qu’il est question d’architecture, j’ai comme des petits papillons dans le ventre. Je pense que c’est vraiment le domaine qui m’attire le plus. »
Jérémie représentera la région de Québec à la finale provinciale. Nous lui souhaitons bonne chance.
À noter: À noter : Jérémie Gaudreault a reçu le Prix de l'Innovateur en chef du Québec (1000$) ainsi qu'une participation à un camp virtuel découvert techno, pour son projet intitulé Usinage vectoriel et linéaire dans le cadre de la finale québécoise 2021 de la Super Expo-sciences Hydro-Québec.